http://www/jean.cuisenier.free.fr Les navigations d'Ulysse L'Europe comme culture architecture rurale en France A travers les Balkans bibliographie, biographie
LES NAVIGATIONS
D'ULYSSE
  L'EXPÉDITION DE 2000 :
(to english text click here)   A la source Arethuse

 

Sous la Roche aux Corbeaux, à mi-hauteur, une source d'eau potable jaillit, accessible à des marins abordant à l'anse gisant "sous" l'ilot Pigadi : la source Aréthuse?.
LE PROJET
UNE NOUVELLE EXPEDITION
L'EXPEDITION DE 1999
L'EXPEDITION DE 2000
Le monde maritime d'Ulysse
Une interprétation cosmologique
3 Routes nautiques et texte épique
4 Les routes du retour
A doubler le cap Malée
6 Vers le Nouveau Monde
7 Figures mythologiques pour escales
De l'autre monde à ce monde-ci
9 Dans le sillage d'Ulysse, l'arrivée à Ithaque
10 Ithaque, Ormos Polis
Ithaque, L'ilot Daskalio
12 Ithaque, Port Saint-André
13 A la source Arethuse
14 Le périple d'Ithaque
15 Ulysse notre contemporain
la roche aux corbeaux.
 
A Marathia vers le sud, le plateau s'étend en pente douce jusqu'à la mer, exposé à la violence de tous les vents. Seuls de courts arbustes parviennent à y subsister. Des chèvres se glissent entre eux, à la recherche d'une herbe rare et de quelques feuilles que leurs estomacs d'acier parviendront à digérer. Lointaines descendantes, probablement, de ces "onze hardes de chèvres qui paissent sur le cap" (Od., XIV, 13-14, J.), selon le compte d'Eumée. Du haut du plateau, la vue se déploie, cosmique, jusqu'à Zakynthos et au continent. Sous la force du soleil, les lointains bleuissent, et le regard peine à distinguer la mer du ciel. Quelques centaines de mètres encore vers l'est à parcourir, et nous atteignons le bord du plateau qui débouche sur la mer. En un dramatique face à face, le massif de pierre oppose aux vagues et aux vents sa haute falaise abrupte et déchiquetée, la seule de l'île. Des roches éboulées se rassemblent plus bas, formant deux ou trois gradins successifs, avant de piquer droit dans la mer. Un vaste arc de cercle se dessine, aux festons taillés à vif, ouvert à l'est, face au continent. Des oiseaux traversent les airs en tous sens, exploitant le tumulte des vents qui se jettent sur la falaise : ce sont des corbeaux. Une ravine entaille le cirque de pierre en son milieu. Elle y creuse une brèche d'où l'on voit, des hauteurs, un sillon de verdure descendre jusqu'à la petite plage que forme le torrent à son débouché sur la mer, signe qu'une source jaillit quelque part, à mi-côte. Un îlot boisé protège la grève, comme pour inviter les équipages à venir là faire leur aiguade.
Cette conjonction de lieux est trop remarquable pour ne pas avoir été fixée par des noms afin d'en graver la description dans les mémoires. Premier à nous être parvenu d'après la tradition orale, le texte odysséen y pourvoit, qui fait guider Ulysse par Athéna, vers ce site, lors de son retour à Ithaque. Que le héros se rende donc chez Eumée, dit la déesse à son protégé ! Il sait bien où :
"… là où paissent les porcs,
près de la roche du Corbeau, sur la source Aréthuse,
se nourrissant de gland salubre et buvant de l'eau noire."
(Od, XIII, 404-409, J.)
Du haut de la falaise, on aperçoit en bas la plage, une courte grève au fond d'une petite baie protégée des vents du nord par un îlot boisé : situation idéale pour un navire venant du sud qui viendrait là s'approvisionner en eau. Tzarambo et son équipage ont pour instructions de venir éprouver ces indications, à la suggestion même de nos Instructions Nautiques :
"A I,7 M au Sud du cap Skotargia (Akra Sarakiniko), Nisi Pera Pigadi est un îlot d'une latitude de 31 m ; il est séparé de la côte par un bras de mer large de 90 m en sa partie la plus étroite, où la hauteur d'eau est de 3 à 4 m. (…). Au Sud de ce dernier se dessine Ormiskos Pera Pigadi, anse dont la côte est bordée par des profondeurs importantes. Les petits navires peuvent mouiller par des profondeurs de 5 à 10 m, dans une eau particulièrement claire, sur fond de sable, dans la partie Sud du bras de mer, ou juste au Sud de celui-ci. Dans une anse située à 300 m au SW, on peut également mouiller, par des profondeurs de 55 à 10 m ; ce mouillage est mieux abrité que le précédent des vents de NW et des rafales venant de terre."
Des hauteurs, un sentier descend à la source. Mais le soir tombe, et nous devons gagner Port Vathy qui est à trois heures de marche. De là, des marins grecs abordant Ithaque par le sud-est pouvaient se mettre à l'abri de Para Pigadi (dont le nom signifie "face à la source d'en haut"), avancer jusqu'au fond de la baie dite Port Ligia, débarquer sur la plage, puis gravir le sentier montant à la source, emmarchement par emmarchement. La sente, en effet, surplombe de peu le lit d'un petit torrent dont les eaux ne coulent d'abondance que l'hiver. On voit se creuser, sous le surplomb de la falaise, des places où la roche s'enfonce quelque peu, ménageant un abri possible aux troupeaux qui viendraient là passer la nuit et qui naguère s'y pressaient encore. Homère déjà les signale : c'est là qu'après avoir offert l'hospitalité de son lit à Ulysse, Eumée vint se coucher,
"… près des porcs aux dents blanches
sous le Creux de la Roche, à l'abri du Borée." (Od., XIV, 532-533, B.)
Des marins grecs abordant Ithaque par le sud-est pouvaient se mettre à l'abri de Para Pigadi (dont le nom signifie "face à la source d'en haut"), avancer jusqu'au fond de la baie dite Port Ligia, débarquer sur la plage, puis gravir le sentier montant à la source, emmarchement par emmarchement. La sente, en effet, surplombe de peu le lit d'un petit torrent dont les eaux ne coulent d'abondance que l'hiver. ...A mi-hauteur de la "Falaise du Corbeau", le sentier montant débouche sur un replat. Une niche y abrite une sorte de bassin naturel sommairement aménagé. Des gouttelettes d'eau sourdent des parois. Un bas muret protège la source où de rares eaux assemblées - ces "eaux noires" dont parle Homère - témoignent que la nymphe Aréthuse est toujours bien vivante, mais qu'elle ne peut en cette saison abreuver les équipages assoiffés. Des restes de maçonnerie montrent qu'à une époque indécise ces eaux ont été plus noblement captées, et qu'un nymphée a peut-être été là édifié.
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    Jean Cuisenier, Le Périple d’Ulysse, pp. 71-72
   
 
 
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