LES
NAVIGATIONS D'ULYSSE |
L'EXPÉDITION DE 2000 : | |
(to english text click here) | A doubler le cap Malée | |
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Cinglant comme nous à 5 ou 6 noeuds, un navire du temps d'Homère dépendait entièrement d'un changement de direction du vent pour réussir à doubler le cap Malée, le Horn des anciens Grecs. |
(Extrait du journal de bord) "Ce jour de fin septembre au début du troisième millénaire, la conjoncture météorologique est favorable à Tzarambo et à son équipage. Plus nous approchons du droit de la pointe, plus le vent vire à l'est, puis au sud-est. Comme nous veillons à rester à trois ou quatre milles de distance du promontoire, le vent, s'il se maintient, nous permettra de le doubler sans trop de difficultés, à condition, pour nous, de virer franchement, le moment venu, vers le nord-ouest. Le ciel continue de s'éclaircir par l'est, mais en altitude, les vents courent du nord-ouest. Aurons-nous à les affronter bientôt, quand, le cap doublé, il nous faudra faire route précisément dans cette direction ? Un escorteur de la marine hellénique en opération sur zone progresse selon la même route que nous, mais plus au large : discret rappel, après le canot de sauvetage en stationnement à Monemvasia, qu'au voisinage du cap Malée, le Horn des Grecs, tout peut advenir, y compris le pire. Là, en effet, comme au cap Horn, le vent qui vous porte le long de la côte jusqu’à la pointe du cap vous devient contraire dès que vous l’avez doublée et que vous devez remonter la côte opposée. La voici enfin, cette extrême pointe du cap mythique. Haute, abrupte, dénudée, elle ressemble, vue de l'est, à une hure de sanglier. D'aucuns y voient une tête de babouin . Chacun, en vérité, projette ses phantasmes sur les contours de cette étroite et longue montagne tels qu'ils se découpent dans le ciel. L'aspect en change d'ailleurs vite dès qu'on l'inspecte des yeux depuis le sud, et, un mille ou deux plus loin, depuis l'ouest et le nord-ouest. Sitôt le cap doublé, nous trouvons, comme Nestor, un vent qui continue à nous être favorable. Il poursuit sa rotation et nous permet de nous rapprocher de la côte pour mieux en observer le rivage. Et voici bientôt que se découvre, à un mille de la pointe, une petite chapelle éclatante de blancheur à la lumière du couchant, érigée droit au-dessus d'une anse minuscule. Du rivage, un sentier monte au sanctuaire, d'où un autre court, à mi-pente, jusqu'au village voisin, distant de deux ou trois milles. On imagine que plus d'un naufragé réussit à se sauver par là, et, en reconnaissance aux puissances du ciel, fit don de quelque bien pour la construction d'un édifice à elles consacré." |
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Jean Cuisenier, Le Périple d’Ulysse, pp. 199-200 | ||||||