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Un
groupe de femmes longe la forêt pour se rendre à l'alpage.
Sirbi, Roumanie.
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Un vieil homme
était parti faucher le foin. La nuit venue, une lumière a
lui sur le pré; et il a entendu l'herbe bruire dans le val, les sources
gronder. Puis il a commencé à vomir. Mais il n'avait pas peur.
Il est sorti de sa coliba (abri), il est allé voir là-bas
et il a vu qu'il s'agissait d'une femme : c'était Fata Padurii,
la "Fille (ou Fée) de la Forêt". Il a détaché
sa ceinture et l'en a entouré de ses liens, joliment. Il l'a conduite
à son abri et l'y a fermement attachée et les bufs de son
attelage se sont mis à mugir parce que cette créature n'était
pas un être humain. Le lendemain matin, sa femme est montée,
et elle a voulu donner à cette fille quelque chose à manger
(...). L'homme lui a demandé : "Que peux-tu nous dire?
car je sais que tu es la Fille de la Forêt. Parle-moi tout droit,
parce que si tu me dis franchement tout ce que tu sais, on te délivrera".
Et la Fille a dit comment elle procédait pour provoquer des malaises,
des maux et des malédictions, comment elle faisait pour empêcher
les vaches d'avoir du lait. Le vieil homme lui a demandé : "Quel
est le remède pour tout cela?" Et la Fille de la Forêt
lui a répondu : "Le remède, c'est ..." (mots
inaudibles). Mais que fit le vieil homme? Au moment où le coq commence
à chanter, il fabriqua un chien, avec tous ses poils. Quand sa vieille
revint le jour suivant, elle vit le chien et lui demanda : "Qu'y
a-t-il là? Que fais-tu avec ce chien? - Tais-toi, ma vieille,
parce que cette chienne, c'est la Fille de la Forêt. - Défais
ces liens, lui dit la vieille, parce que j'ai peur. - Tu as peur?"
Elle a insisté : "Défais cette ligature!" Alors
le vieil homme dénoua les liens. A ce moment-là, un fort vent
souffla et la Fille de la Forêt est redevenue femme. Je ne sais pas
ce qu'elle fit ensuite. Sans doute est-elle repartie. (Pièce narrée
et enregistrée à Sîrbi, Maramures, Roumanie, 1973).
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J.C.:
Mémoire des Carpathes, La Roumanie millénaire, un regard intérieur, Paris,
Plon, Terre Humaine, 2000, p.194 |