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La
population se groupe autour de la place de danse. Sirbi, Maramures
(Roumanie).
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J'avais
sous les yeux une société locale, Sîrbi dans le Maramures en 1973, qui se
donnait elle-même en représentation chaque dimanche sur la place centrale,
offrant ainsi à l'observateur sa composition en classes d'âge et classes
de sexe, ses emblèmes vestimentaires et ses signes de reconnaissance, ses
disjonctions et ses conjonctions entre parents et alliés, entre conjoints
possibles et conjoints prohibés. Mais qui plus est, cette grande manuvre
collective n'avait rien d'un tourbillon inorganisé ou de ces déambulations
alternées si fréquentes dans les places ou les boulevards des villes méditerranéennes.
Elle était tout entière orientée vers un lieu marquant et un temps fort
pour la cérémonie du jour : la place de danse où les jeunes vont se
produire non dans le mutisme, les soupirs ou les grognements auxquels sont
réduits les danseurs dans nos modernes discothèques sur-sonorisées, mais
dans les interpellations joyeusement clamées, les strigaturi, ou dans les
chants sur textes fixés comme si la vie et l'opéra ne faisaient qu'un. Ils
ne faisaient qu'un, en effet, car là des avenirs matrimoniaux s'esquissaient,
des destins peut-être s'arrêtaient, dans l'anxiété et la détresse pour certains
et certaines, dans la joie et l'allégresse pour d'autres, le tout sous la
vigilance des concurrents et des complices, non moins que des parents et
des possibles alliés. Simple et banal cérémoniel? Grand rituel? Je n'en
décidai point sur le champ.  |