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Un
jeune compagnon (figuré ö plus grande échelle que
les autres personnages) quitte sa ville natale pour parfaire son
métier par un Tour de France. Aquarelle, vers 1840.
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Dans tous les
cas où la production est domestique, le rapport entre le maître détenteur
de la technique et l'apprenti à qui il la transmet a toujours des aspects
multiples. Les savoirs sont transférés entre des gens liés par des relations
de parenté : père/fils, mère/fille, aîné/cadet, ou des relations de
domesticité : maître/valet, vieux valet/fils du maître, etc. Leur cirulation
est orientée : le réseau par où ils passent a une structure d'ordre.
Ce n'est donc nullement par l'effet du hasard ou par une mystérieuse inertie
que les uvres produites dans l'enceinte domestique perpétuent des techniques
anciennes et des savoir-faire oubliés ou perdus ailleurs : c'est en
raison des propriétés structurales du système des relations domestiques
lui-même. Les conditions de la production domestique, il est vrai, ne sont
pas telles que chaque unité fonctionne comme une monade à la manière de
Leibnitz, univers clos, microcosme dans le macrocosme. Le cercle des agents
qui uvrent à la production s'étend, l'hiver surtout, à des proches et
des voisins : les savoirs peuvent alors s'échanger, dans une structure
du système des relations symétriques. Des jeunes gens quittent le foyer
domestique, comme conscrits ou comme apprentis, et à leur retour peuvent
transmettre à leurs parents des savoirs nouveaux, élaborés en d'autres lieux
et selon d'autres normes. Mais les techniques apprises au régiment, à l'atelier
ou à la manufacture sont généralement d'une autre nature et ne se transmettent
pas sans de profondes modifications aux conditions de la production domestique :
les forges régimentaires ou les harnachements des escadrons de cavalerie
n'offrent pas de modèles véritablement transmissibles. Plus les activités
de production auxquelles ces jeunes sont amenés à prendre part exigent de
spécialisation, moins les novations en sont transférables à une production
de mode domestique. Ainsi les conditions qui rendent possible une conservation
des savoirs sans transformation dans le temps sont aussi celles qui rendent
difficile la réception de savoirs issus de nouveaux centres : tout
se conjnugue pour faire de la production domestique un conservatoire de
savoirs et d'usages. |