http://www/jean.cuisenier.free.fr l'Europe comme culture les navigations d'Ulysse architecture rurale en France A travers les Balkans bibliographie, biographie
L'EUROPE
COMME CULTURE
  LA PARENTÉ ET L'ORGANISATION SOCIALE :
(to english text click here)   L'échange matrimonial

 

Comme les autres sociétés européennes qui les entourent, les sociétés balkaniques pratiquent en matière matrimoniale l'échange généralisé. Mais sur l'aire géographique et culturelle limitée qui est la leur, elles offrent de ce principe d'échange un grand nombre de formules fort différentes.
INTRODUCTION
REGARD ETRANGER, REGARD INTERIEUR
TECHNIQUES, SAVOIRS EMPIRIQUES
TERRITOIRE ET SENS DU LIEU
PARENTE ET ORGANISATION SOCIALE
1 Alliance et filiation
2 Termes roumains de la parenté
3

L'établissement des enfants

4

Termes bulgares de la parenté
5 L'échange matrimonial
COUTUME, CEREMONIAL ET RITE
CONTE, LEGENDE, ART DE NARRER
EPOPEE, PROFONDEURS DE L'HISTOIRE
CE QU'ON NOMME VAMPIRE
IMAGINER ET PENSER L'AU-DELA
Femme et enfants Pomak. Brednitsa, Bulgarie.
 
A la différence de sociétés à moitié exogamiques où un preneur d'une classe donnée A reçoit une femme de classe opposée et complémentaire B, tandis qu'un donneur de cette classe complémentaire B reçoit une femme de la classe du preneur A, une société telle que la société bulgare du Pirine pratique, comme les sociétés européennes qui l'entourent, ce qu'avec Claude Lévi-Strauss la tradition anthropologique contemporaine nomme l'échange généralisé. Selon ce modèle d'échange, le donneur qui se sépare d'une fille n'est jamais assuré de recevoir une belle-fille en retour, car le preneur n'a aucune obligation de la lui fournir. Le donneur la recevra, s'il la reçoit jamais, d'un autre partenaire à l'échange dans le même cercle de conjoints possibles, au terme d'une nouvelle transaction sans rapport avec la première. La relation entre preneur et donneur est donc, dans ce système, déséqulibrée par construction, s'agissant de l'objet de l'échange : la fille donnée par l'un et prise par l'autre. La transaction matrimoniale ne peut alors se conclure sans qu'un certain équilibre soit rétabli, comme c'est le cas pour toute transaction. Il faut, à cette fin, que le preneur verse au donneur une compensation dont la valeur soit équivalente à celle qu'il reçoit de lui ou cède une partie de ses biens au bénéfice du couple en formation et de sa descendance attendue. L'ensemble de ces biens formera ce que la tradition anthropologique nomme le"bride price", le "prix" à payer pour la fiancée, lorsque la cession est consentie du preneur au donneur; la "dot" lorsque la cession est consentie par le donneur à sa fille pour garantir l'alliance; la "dotation d'établissement" lorsque la cession est consentie par le preneur à son fils pour garantir l'autonomie économique du couple en formation. Les Balkans présentent cet intérêt particulier que, sur une très petite aire culturelle qui va de la Serbie à la Grèce et de l'Albanie à la Roumanie en passant par la Bulgarie, deux manières différentes de gérer un système d'échange matrimonial généralisé s'opposent dans l'espace et dans le tempes et offent, chacune, une pluralité de variantes (...); Selon la première formule de l'échange matrimonial généralisé, celle que pratiquent les Albanais islamisés, les Turcs de Bulgarie ou de Macédoine et les Pomaks, qui sont des Bulgares islamisés, le versement à faire par le preneur est assez substantiel pour être pensé par les protagonistes comme un "achat" (...). La seconde manière de rétablir l'équilibre au profit des donneurss dans un système d'échange généralisé consiste, pour les preneurs, à se dessaisir irrévocablement d'un certain nombre de biens, terres troupeaux, fonds de commerce, afin de facicliter la vie commune au jeune couple et afin de rendre possible son installation future quand il pourra s'établir par lui-même : c'est une "dotation d'établissement" qui n'a pas à être 'rapportée' au décès des parents (...) : c'est ce qui se passe en Roumanie (...). Dans quelle mesure ces deux formules de l'alliance matrimoniale en régime d'échange généralisé sont-elles solidaires, l'une, de la culture islamique, l'autre, de la culture chrétienne? Ou bien solidaires, l'une, de la culture turque, l'autre, de la culture slave? Ou bien encore, l'une, d'une économie où la terre est un bien abondant et disponible, où la richesse dépend donc du travail plus que de la propriété foncière; l'autre, d'une économie où la terre est un bien limité et rare, où la richesse dépend donc de l'appropriation des biens fonciers plutôt que des capacités de main d'œuvre? L'ethnographie des pays balkaniques montre que la généralisation est ici hasardeuse, tant les pouvoirs politiques et religieux ont changé dans l'espace et dans le temps.  page suivante
    J.C.: Les Noces de Marko, Le rite et le mythe en pays bulgare, Paris, PUF,1998, pp.153-156.
   
 
 
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