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Concertation
entre hommes, le dimanche, à Sîrbi, Roumanie, 1972.
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Parti pour
étudier les structures de la parenté dans les sociétés
européennes, l'ethnologue vient de choisir la Roumanie comme terrain.
Le projet s'impose alors à lui "de commencer la recherche envisagée
sur la parenté dans la société roumaine par les tout
premiers commencements des études de parenté, en posant les
questions les plus simples qui sont aussi les plus difficiles à traiter,
tant l'érudition a rassemblé de données pour y répondre,
tant la discussion a traité de perspectives pour argumenter les interprétations.
Je m'apprêtais donc, à la surprise de certains collègues
roumains et à l'étonnement plus grand encore des étudiants
associés à l'entreprise, à recueillir le vocabulaire
de parenté, à discerner les règles de l'alliance, de
la résidence et de la filiation, à observer comment ces catégories
se composent et ces relations jouent à l'occasion des grands évènements
de l'existence humaine, la naissance, le mariage et la mort. Mais dès
les premiers contacts avec le terrain, une autre évidence m'apparut,
que l'état des études sur la parenté dans les sociétés
européennes ne me permettait pas alors de soupçonner, mais
que mes premières fréquentations des archives de l'Institut
du folklore de Bucarest ne tardèrent pas à confirmer. Il m'apparut
clairement en effet que les catégories et les relations de parenté
que je voulais prendre pour objet ne s'actualisaient pas seulement au travers
d'évènements, d'arrangements négociés, d'arbitrages
de toutes sortes, sinon de tactiques et de stratégies, ce qui ne
pouvait me surprendre après l'étude de grandes sociétés
historiques telles que les sociétés arabes et les sociétés
turques Elles ne s'actualisaient pas seulement par le moyen de cérémonies
comme le baptème, l'entrée dans la danse du dimanche, les
noces ou les fiançailles, ce qui ne pouvait pas non plus m'étonner
après l'étude des arts et traditions populaires de sociétés
comme la société française. Elles s'actualisent aussi
et peut-être surtout sous les espèces du rite, c'est-à-dire
d'une gestuelle, d'une communication par les matières et par les
objets, et d'un logos de forme poétique dont les rapports avec le
mythe restent, on le sait, pour une bonne part à élucider.
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J.C. :
Le Feu Vivant, la parenté et ses rituels dans les Carpates, Paris,
PUF, 1994, p.17
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