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L'EUROPE
COMME CULTURE
  IMAGINER ET PENSER L'AU-DELÀ :
(to english text click here)   Un hymne pour donner à penser

 

Lors de l'inhumation au cimetière, le prêtre, son office terminé, laisse les filles et les femmes de la parenté s'adonner à la cérémonie des lamentations dans les sanglots. Puis, un chœur de vieilles femmes, Les Aubes, entonne son dernier chant : O Terre, sois-lui légère!
INTRODUCTION
REGARD ETRANGER, REGARD INTERIEUR
TECHNIQUES, SAVOIRS EMPIRIQUES
TERRITOIRE ET SENS DU LIEU
PARENTE ET ORGANISATION SOCIALE
COUTUME, CEREMONIAL ET RITE
CONTE, LEGENDE, ART DE NARRER
EPOPEE, PROFONDEURS DE L'HISTOIRE
CE QU'ON NOMME VAMPIRE
IMAGINER ET PENSER L'AU-DELA
1 L'art de la lamentation
2 Hymne donnant à penser
3 Le mort à la table funéraire
4 Figuration de l'autre monde
A l'inhumation, le choeur des Aubes chante l'hymne à la Terre.
 

"O Terre, Terre O toi, dorénavant
Toi, sois lui parent
 Et toi, poussière de terre
Sois-lui petite sœur,
Pour lui fais-toi légère!
Jeune errante
Lève-toi je t'en prie"
...

(Pour le texte complet, voir J.C., Mémoire des Carpathes, pp.35O-351)

Les officiantes ont entonné leur hymne face à la tombe, au moment précis où le prêtre ayant terminé son offrice et jeté la première pelletée de terre, les fossoyeurs s'emploient à remplir la fosse (V.1-6). A cette action d'ensevelir, elles donnent un sens fort peu chrétien, et interpellent la terre comme elles ont interpellé, dans les hymnes précédents, les Aubes, le Soleil, la Mort, le Sapin; non comme des éléments, des êtres ou des états de la nature, à la manière d'Empédocle, mais comme des êtres de l'autre monde doués de la capacité d'agir; définissables, en conséquence, par leur fonction. Le chœur des vieilles femmes lance à cette Terre et à ses particules une injonction : qu'elle remplisse à l'égard du défunt sa fonction propre, celle de géniteur accueillant (...). Après l'injonction à la Terre génitrice, les trois choristes font une pause, pour coordonner leur chant avec l'action des jeunes gens qui ont coupé le sapin en forêt, l'ont transporté, et maintenant le plantent à la tête de la tombe. Au moment précis où ceux-ci redressent cet arbre, l'érigent bien droit dans sa vigueur et sa parure, elles s'adressent au défunt pour l'enjoindre de se lever (v7-8). Elles consacrent ainsi, par la parole, la fonction métaphorique du sapin (...). Mais surtout, elles marquent leur différence d'avec les femmes de la famille et leurs lamentations, qui dépeignent le mort par sa position sociale relativement à elles, père ou mère, mari ou femme, fils ou fille, frère ou sœur, position inchangée dans la mort. Les officiantes du culte des "Aubes", elles, désignent maintenant le défunt, homme ou femme, d'une expression surprenante : "jeune errante".
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    J.C.: Mémoire des Carpathes, La Roumanie millénaire, un regard intérieur, Paris, Plon, Terre Humaine, 2000, pp.35O-354
   
 
 
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