"O
Terre, Terre O toi, dorénavant
Toi, sois lui parent
Et toi, poussière de terre
Sois-lui petite sur,
Pour lui fais-toi légère!
Jeune errante
Lève-toi je t'en prie"
...
(Pour le texte complet, voir J.C., Mémoire des Carpathes,
pp.35O-351)
Les officiantes ont entonné leur hymne face à la tombe,
au moment précis où le prêtre ayant terminé
son offrice et jeté la première pelletée de terre,
les fossoyeurs s'emploient à remplir la fosse (V.1-6). A cette
action d'ensevelir, elles donnent un sens fort peu chrétien, et
interpellent la terre comme elles ont interpellé, dans les hymnes
précédents, les Aubes, le Soleil, la Mort, le Sapin; non
comme des éléments, des êtres ou des états
de la nature, à la manière d'Empédocle, mais comme
des êtres de l'autre monde doués de la capacité d'agir;
définissables, en conséquence, par leur fonction. Le chur
des vieilles femmes lance à cette Terre et à ses particules
une injonction : qu'elle remplisse à l'égard du défunt
sa fonction propre, celle de géniteur accueillant (...). Après
l'injonction à la Terre génitrice, les trois choristes font
une pause, pour coordonner leur chant avec l'action des jeunes gens qui
ont coupé le sapin en forêt, l'ont transporté, et
maintenant le plantent à la tête de la tombe. Au moment précis
où ceux-ci redressent cet arbre, l'érigent bien droit dans
sa vigueur et sa parure, elles s'adressent au défunt pour l'enjoindre
de se lever (v7-8). Elles consacrent ainsi, par la parole, la fonction
métaphorique du sapin (...). Mais surtout, elles marquent leur
différence d'avec les femmes de la famille et leurs lamentations,
qui dépeignent le mort par sa position sociale relativement à
elles, père ou mère, mari ou femme, fils ou fille, frère
ou sur, position inchangée dans la mort. Les officiantes
du culte des "Aubes", elles, désignent maintenant le
défunt, homme ou femme, d'une expression surprenante : "jeune
errante". 
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