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Site
de la forteresse du Royal Marko, héros de l'épopée
bulgare, à Prilep, Macedoine.
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Avec K.M.,
S.P. et V.K., ce n'est pas à des artistes médiévaux
connaissables par d'incertains et lointains documents que l'on a affaire,
c'est à des maîtres-chanteurs vivant aujourd'hui, à
d'anciens soldats de la dernière guerre mondiale, à des témoins
et des acteurs de l'histoire qui, jour après jour, se façonne
au cur de l'Europe. Et ces chanteurs sont des maîtres. Ils savent
créer leur pièce dans l'acte même par lequel ils l'interprètent.
Ils savent produire des textes longs et détaillés. Ils savent
aussi que leur auditoire a de la compétence pour les écouter,
qu'il a du temps à passer avec eux, qu'il sait repérer leurs
oublis et n'hésite pas à le leur faire remarquer. Ils savent
que cet auditoire se prépare à vibrer d'émotion et
qu'ils ne doivent pas le décevoir. Ils connaissent d'expérience
les conséquences désasteuses que peut avoir pour leur prestation
une insuffisante connivence avec cet auditoire. ils se concentrent donc
sur l'histoire, sur la narration et la couleur de l'expression verbale et
s'appliquent plus à créer du texte que de la musique (...).
S'il est une situation rituelle apparentée à celle de la production
d'un chant épique, c'est celle de la déclamation chantée
par l'aède à qui la famille d'un mort a demandé de
composer une pièce pour célébrer les hauts faits du
défunt qu'elle honore (...) : Ces "lamentations" masculines
donnent matière à des uvres poétiques et musicales,
véritables matrices génératrices d'épopée.
Sur informations données par la famille du mort, le chanteur compose
une pièce qu'il interprète aux funérailles et aux anniversaires
du défunt, ou encore le jour du saint patron. Il a pour auditoire
la famille et les proches qui l'écoutent au pied de la tombe en pleurant,
et en consommant lentement, ensemble, le repas funéraire. Il procède,
somme toute, comme les aèdes préhomériques qui chantaient
des pièces semblables pour célébrer les héros
morts, avant qu'Homère ou ses héritiers de l'époque
pisistratide ne fixent par l'écriture une version autorisée
de "la mort de Patrocle".
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